Interview réalisée par Hugo Checinski et Pascal Montagne
Illustration réalisée par Marie-Blanche Huet
Le beau sourire d’Anne Dopffer s’élargit et ses yeux s’allument lorsqu’on lui parle de Môm’artre. Ses enfants sont maintenant de jeunes adultes mais elle garde un souvenir ému de l’association et considère que Môm’artre a eu un rôle majeur pour sa famille, lui permettant d’allier lourdes responsabilités et bien‑être de ses enfants.
D’un verbe fin et assuré, Anne Dopffer décrit son passionnant travail pour le ministère de la culture, qui impliquait néanmoins de très nombreux déplacements. “Môm’artre a facilité notre vie familiale pendant près de 12 ans” confie-t-elle. Une relation de confiance est née avec l’association, ainsi que le sentiment d’une continuité dans l’éducation et les valeurs.
En tant que conservatrice de musée, elle a particulièrement apprécié l’approche artistique dispensée à Môm’artre. Au-delà des œuvres enfantines que tout parent garde précieusement, elle reconnaît en professionnelle un vrai niveau d’exigence qui a aboutit à de véritables œuvres. “J’étais impressionnée par les réalisations. Avec mon métier, j’étais dans le savoir, les enfants étaient dans le faire, c’était une vraie démarche artistique qui était dispensée par les animateurs”. Elle nous confie quelques impressions sur cette expérience.
C’est quoi votre Môm’artre à vous ?
Durant les 12 ans où mes enfants ont fréquenté Môm’artre, c’était un petit miracle renouvelé chaque année. D’abord parce qu’ils ont bénéficié d’une prise en charge dès la sortie de l’école. Ensuite parce que le temps est ritualisé (goûter, devoirs, ateliers), ce qui est important pour eux. C’est rassurant pour les parents de les confier à une structure sérieuse mais qui a dans le même temps un fonctionnement très créatif, adapté à chacun. Les enfants n’arrivent et ne partent pas de Môm’artre à la même heure, chacun des enfants a son rythme différent et pourtant ce chaos apparent est géré avec brio par les animateurs et l’encadrement. À Môm’artre, on sent que chaque enfant est une personne, prise avec ses forces et ses faiblesses.
Il y a une vraie prise en charge individuelle ?
Môm’artre est un grand mélange qui permet d’intégrer tout le monde. Les ateliers sont animés par de jeunes artistes, aidés pour les devoirs par des bénévoles ou des parents. Cet ADN si particulier, transgénérationnel, ouvert, bienveillant, permet de prendre en compte chaque enfant. J’ai participé un jour à une aide aux devoirs avec une petite fille qui avait beaucoup de difficultés scolaires. Elle n’avançait pas au même rythme que les autres. Pourtant, malgré son retard, elle était intégrée dans le groupe et respectée. Parce qu’elle n’était pas seulement définie par ses résultats scolaires, mais aussi par sa participation aux ateliers et sa créativité. C’est là que j’ai pu mesurer personnellement l’immense travail de Môm’artre pour intégrer toutes les individualités dans la communauté. Toute cette positivité se ressent profondément et je pense que malgré leur jeune âge, les enfants comprennent que Môm’artre était un endroit très particulier.
Qu’est ce qui vous plaisait particulièrement dans la démarche pédagogique ?
L’un des aspects le plus enthousiasmant c’est de voir comment les animateurs accompagnent les enfants. En premier lieu, ils sont initiés aux valeurs d’égalité, d’entraide et de convivialité. On ne laisse personne dans son coin. Ils sont également éveillés à des notions telles que l’écologie, l’art, la culture urbaine ou la photographie. Chacun peut expérimenter, essayer. À chaque étape, l’animateur invite chacun à devenir plus autonome et responsable. Quand ils font de la linogravure avec des outils tranchants, ou qu’on leur confie un “pisto-colle”, délicat à manier pour qu’ils réalisent une œuvre, on leur donne une responsabilité inédite pour leur âge. Et aucune de ces réalisations ne reste dans un placard. Elles sont toutes présentées très officiellement pendant les vernissages, comme dans un musée ! Une belle occasion de mettre en valeur leur travail, un travail bien souvent original sur le plan artistique.
Ces ateliers ont-ils forgé des vocations chez vos enfants ?
Aucun de mes enfants ne s’est pour l’instant orienté vers une carrière artistique. Néanmoins durant le confinement, l’aîné a profité de son temps libre pour apprendre tout seul à forger le métal, simplement à partir de tutoriels YouTube et en récupérant du matériel. Là, je ne peux pas m’empêcher de voir l’influence de Môm’artre. Ce côté “Yes, I can” qui a été insufflé dans chacun des ateliers, a apporté beaucoup de confiance aux enfants. C’est l’essence de cette incroyable association.