Dominique : Môm’artre, un deuxième souffle de vie

Interview réalisée par Hugo Checinski et Pascal Montagne
Illustration par Marie-Blanche Huet

« Tu te souviens ? » À 78 ans, Dominique est une des mémoires vivantes du quartier. Dans les rues du XVIIIème arrondissement de Paris, elle tombe sur un visage familier presque à chaque coin de rue. Ça lui réchauffe le cœur, heureuse d’être reconnue dans ce quartier qu’elle appelle son « village ».

Bénévole à Môm’artre depuis 2005, elle s’occupe de toute la famille. D’abord du grand frère, puis de la petite sœur pour finir par croiser les parents pendant les vernissages, ces périodes avant chaque période de vacances scolaires où sont exposées les œuvres des artistes en herbe.

Elle a poussé la porte de l’association alors qu’elle n’était pas encore retraitée et y a commencé sa seconde vie. La carrière de Dominique s’arrête alors qu’elle est directrice adjointe dans un EHPAD. Penser à sa retraite l’angoisse : elle avait peur de se retrouver « au placard », de perdre le lien social que représente son travail. Alors à défaut d’entrer au placard, à Môm’artre, cela fait 16 ans qu’elle fait partie des meubles.

Dominique est aux premières loges des difficultés de certaines familles. Logement insalubre, précarité, manque de stabilité… Elle a toujours tout fait pour que Môm’artre soit un vrai moment d’évasion pour tous.
Dans un grand sourire, autour d’une pizza spécialement
achetée pour l’occasion, elle raconte, sourire aux lèvres, les détails de sa seconde vie. Et bien que le Covid ait marqué un vrai coup d’arrêt dans son aventure « môm’artienne », toute l’émotion se lit dans ses yeux quand les souvenirs remontent à la surface.

Tu te souviens quand tu as poussé la porte de Môm’artre pour la première fois ?

Je passais en bus devant tous les jours et je voyais ce truc, là… Je pensais que c’était réservé aux riches ! Alors je ne suis pas rentrée. Et puis la retraite arrivant, j’ai quand même poussé la porte et je suis allée à la rencontre de la première équipe. On a discuté et j’ai commencé en tant que bénévole dès le lendemain.

Ça a changé ta vie, non ?

En tout cas, ça m’a apporté une retraite heureuse. Sinon ça aurait été dur, pour moi. Môm’artre est une de mes seules activités, une de mes seules sorties. Ça remplaçait un peu le travail et me permettait d’avoir des relations et des interactions sociales. Quand tu es à la retraite, si tu ne cherches pas, tu n’as pas : tu restes dans ton coin. Et je peux te dire que je n’ai pas envie de me mettre dans des clubs ! (rires) Quand j’entends les vieux dans le bus taper sur le dos des copains et des copines… Ce n’est pas la vie de retraitée que j’ai envie de mener. Je préfère mourir dans mon coin que d’avoir une retraite comme eux. Môm’artre m’a permis de rester jeune ! Ces valeurs de vivre-ensemble et de lien social, c’est ce que Môm’artre essaie de véhiculer de manière générale…

Môm’artre m’apporte de la joie de vivre… Pour moi et pour tout le monde, d’ailleurs. Quand tu participes à un projet comme ça, tu as l’impression de continuer à vivre.
Les vernissages, c’était le moment où je rencontrais les autres bénévoles. Je me souviens de vernissages où il y avait tellement de monde qu’on ne pouvait pas circuler dans l’antenne. Je ne te raconte pas l’ambiance. On était obligé de faire des activités à l’extérieur pour accueillir tout le monde. J’y ai fait la connaissance de plein de gens que je continue à voir. Mais depuis le Covid, ce n’est plus pareil… C’est difficile de moins pouvoir y aller.

Les enfants te manquent ?

Ils sont rafraîchissants. À Môm’artre, les enfants ont une vraie liberté. S’ils ne voulaient pas faire une activité, on trouvait une solution. Ils s’expriment beaucoup. Chacun peut s’exprimer et faire son art à sa façon.
Les enfants changent grâce à Môm’artre. Je me souviens d’un petit garçon autiste. Quand on a commencé à s’en occuper, il était toujours très en retrait. Et puis au fur et à mesure, grâce aux activités, il s’est complètement libéré, il s’éclatait. Avec les autres enfants, il avait réussi à nouer quelques amitiés, quelques relations.

Tu sais que tu as la réputation d’être sévère ?

Il y a des consignes, je les applique. Je me souviens d’une jeune fille qui était venue me voir en disant « Dominique je veux faire mes devoirs avec toi parce que tu es sévère ». J’ai toujours ressenti qu’il fallait poser un cadre avec les enfants. Il ne faut pas qu’ils exagèrent. Je suis capable de beaucoup de tendresse avec eux mais s’ils me font suer, je n’hésite pas à leur dire. Les Pokémon et tout ça… je suis sur leur dos. Interdit !

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