Enki : nos môm’artiens ont bien grandi !

Interview réalisée par Hugo Checinski et Pascal Montagne
Illustration par Marie-Blanche Huet

Enki Cabaret est un personnage qui sort de l’ordinaire. Installé à Montpellier, ce fils de comédien mêle un caractère affirmé et une grande bienveillance. Jeune homme à la parole passionnée, il a beaucoup apprécié son passage à Môm’artre.

Dans un monde où il n’était pas dans les normes, l’association a été pour lui un révélateur de ses capacités. Aujourd’hui “machino” pour France Télévisions sur le tournage de la série « Un si grand soleil », Enki s’épanouit dans son travail, à la fois très précis et très créatif. Installer lumières, caméras, grues, échafaudages et structures nécessaires au tournage de la série, c’est le quotidien d’Enki, dont les journées sont souvent éprouvantes. Cela nécessite également sens des responsabilités, inventivité, autonomie, sens du bricolage, pour respecter les nombreuses contraintes quotidiennes d’un plateau de tournage. Des qualités qu’il a commencé à forger très tôt, malgré une scolarité qui ne fut pas des plus agréables.

A 25 ans, Enki nous raconte ce parcours avec quelques années de recul, d’une voix enjouée, avec un mélange de tendresse et de reconnaissance pour ce qu’il a vécu à Môm’artre.

Quelles sont les choses que tu appréciais à Môm’artre ?

D’abord le goûter, j’adorais ! J’adore manger, et c’était un vrai moment. Quand on arrivait, à travers les vitres de Môm’artre, on voyait les tables mises, avec de la confiture, des céréales, du lait, du jus de fruit. Il y avait un côté très convivial, préparé juste pour nous. Ce n’était pas un self-service anonyme. Cela faisait tout de suite un sas avec l’école, un endroit où on était plus dans le cadre scolaire strict et pas encore à la maison avec les parents.

Ensuite, l’accueil. L’école n’était pas un endroit où je me sentais bien. Plus petit que la moyenne, avec un prénom original, j’étais systématiquement mis à l’écart par mes camarades. Dans cet environnement avec ses codes basés sur la performance, en classe avec les notes, à la récréation quand on joue au foot, je n’avais pas ma place. Mais dès que je passais la porte de Môm’artre, pourtant souvent avec les mêmes camarades qui n’étaient pas tendres avec moi, d’un coup j’accédais à un environnement différent. Un univers où l’esprit créatif primait, où je pouvais créer quelque chose de mes mains. Un endroit où j’étais respecté et estimé en tant que personne, où je n’entendais plus les railleries de l’école.

Un souvenir de création en particulier ?

Je me rappelle d’un grand serpent vert en polystyrène que j’avais réalisé, sur le thème de Niki de Saint Phalle. On réalisait quelque chose dont on nous avait expliqué le sens, l’inspiration. On sentait le désir des animateurs de partager, de nous ouvrir à de nouveaux horizons, de nous laisser nous exprimer. Difficile de trouver un endroit plus libre, alors qu’à l’école, on est assis, on se tait. Il n’y avait pas de notion de compétition ou un élitisme quelconque. On n’y arrivait pas toujours, mais on essayait, on ratait, on créait un truc différent. Dans cette démarche de création que l’on nous proposait, peu importe la personne, la marque de ses vêtements, son niveau social, sa taille, c’est ce que l’on crée qui est important.


Cette démarche de création, cela t’a aidé dans la vie ?

Je pense que oui. Lorsque les batailles de toupies envahissaient les cours d’école, moi je créais mes propres toupies à Môm’artre, c’était assez gratifiant. C’est ça que j’ai appris après l’école : je suis capable de concevoir et de fabriquer moi-même. Cela m’a donné une certaine confiance en moi. Je sais aujourd’hui ce que je peux réaliser de mes mains et c’est important dans le métier que je fais. A Môm’artre on nous plongeait dans le concret, on nous incitait à aller vers l’autre, et c’est fondamental dans une génération qui est centrée sur les téléphones portables. Ce qu’offre cette association est vraiment unique. Les ateliers réapprennent aux enfants à se servir de leurs mains. Ça leur permet de créer. Quand j’étais à Môm’artre, ma console ne me manquait jamais. Créer, c’est un des meilleurs moyens de se sentir bien avec soi-même. Ça pousse les enfants à aller les uns vers les autres pour s’entraider. Finalement, j’ai vraiment préféré les valeurs de Môm’artre à celles de l’école, qui n’est pas adaptée à tout le monde, et qui n’enseigne que très peu la création. Le métier que je fais aujourd’hui n’est pas un hasard, c’est une suite logique de mon passage dans cette association unique.

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