François : « Môm’artre m’a donné le sentiment d’être une rockstar »

Interview réalisée par Hugo Checinski et Pascal Montagne
Illustration réalisée par Marie-Blanche Huet

François Pain Douzenel est une tête bien connue de Môm’artre. Derrière sa stature impressionnante et son regard malicieux se découvre un homme de théâtre attentif.

Animateur de théâtre classique, comédien au Théâtre du Corps Pietragalla, où il a joué dans Lorenzaccio, François est un professionnel qui a à cœur de transmettre sa passion de l’expression.

C’est à Môm’artre qu’il a commencé en 2015 les ateliers théâtre, à travers une première pièce écrite en collaboration avec les enfants, intitulée Le voyage extraordinaire de Zina. Cette pièce, qui fut jouée sur les planches du théâtre des Bouffes du Nord, est le résultat de deux ans d’atelier du mercredi à Môm’artre. Une expérience révélatrice pour François, qui a pu y voir naître quelques moments émouvants. Il a découvert à quel point son art permettait aux enfants de découvrir un nouvel univers, de nouvelles formes d’expression et d’ouvrir des horizons insoupçonnés malgré leur jeune âge.

Aujourd’hui, François enseigne toujours le théâtre dans les antennes de Môm’artre, sous forme de stages d’une semaine. A chaque fois c’est l’occasion pour les enfants de s’amuser, de s’émerveiller mais également leur permettre en filigrane de découvrir la parole en public, d’ouvrir leur imaginaire, de prendre en confiance en eux. Depuis six ans, François est un acteur majeur du théâtre à Môm’artre, fier de pouvoir ouvrir les portes de la découverte à chacun, quelle que soit son origine, son niveau social, ses prédispositions.

Peux-tu nous parler de ton expérience la plus forte à Môm’artre ?

Le voyage extraordinaire de Zina a été une expérience incroyable. Pendant deux ans j’ai pu travailler avec le même groupe de 24 enfants. On a réalisé un projet ensemble que l’on n’aurait même pas osé imaginer.
Il ne s’agissait pas seulement de leur faire apprendre par cœur deux ou trois saynètes en faisant garderie. Le temps long m’a permis de structurer mon travail, ma pédagogie, de travailler avec des enfants de façon professionnelle. Ils ont pu découvrir par eux-mêmes tout l’univers du théâtre, en discutant avec des professionnels, de la costumière au comédien en passant par le régisseur.
Lors de la représentation sur la scène des Bouffes du Nord, presque tous les postes étaient tenus par les enfants : sur scène bien sûr, mais ils géraient également la billetterie, plaçaient les spectateurs, géraient le rideau, les costumes, etc.

Tu es fier d’avoir participé à cette aventure ?

Un des aspects extrêmement gratifiant a été de voir certains des enfants se révéler par le théâtre. Sans avoir la prétention d’avoir éveillé des vocations, je pense avoir suscité un vrai intérêt pour la scène chez les enfants qui ont participé à mes ateliers. Je me rappelle en particulier d’une gamine, Sanjana, très timide habituellement, qui m’avait époustouflé au spectacle et qui avait pris une confiance incroyable l’année suivante.
Cela a permis à beaucoup d’entre eux de prendre confiance, de se dépasser en public, de sortir du rôle qu’on leur attribue trop souvent à l’école.
De manière plus personnelle, je retire énormément de positif de mon travail avec Môm’artre. Ma conception du métier, c’est autant jouer que transmettre mon savoir, et là j’ai pu initier la génération suivante, quelle chance.

En quoi Môm’artre te paraît différent d’autres associations ?

D’abord, Môm’artre se définit comme une association de quartier. Si on partage les expériences entre antennes, chacune se définit fortement par rapport à son implantation. C’est également un lieu de mixité sociale concret, ce qui est devenu rare à Paris.
Ce mélange est permanent, lorsque les enfants viennent le soir pour le goûter, les devoirs et les ateliers. Ils croisent également leurs camarades, les animateurs, les encadrants dans la rue, au supermarché, dans la vie. Cela fait de Môm’artre un endroit de mélange, bien moins anonyme qu’ailleurs, où les relations qui s’y créent sont plus profondes.

Ces liens si forts, tu en as un exemple ?

Après les deux premières années, j’ai été happé par des projets professionnels dans le sud de la France et je n’étais intervenu que ponctuellement sur le nouveau spectacle en préparation, organisé par une autre animatrice. Malgré la distance, cela me tenait à cœur de venir voir le spectacle, auquel je me suis rendu sans prévenir. Quand je suis arrivé, j’ai eu l’impression d’être Mick Jagger en entendant les cris des enfants, c’était fou ! Je retrouvais un peu ma famille le temps d’une soirée, ce “clan” Môm’artre si particulier. C’est resté gravé dans mon esprit.

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